égalité salariale

L’égalité salariale hommes-femmes et son traitement en paie

L’égalité salariale entre les hommes et les femmes constitue un enjeu majeur dans le monde du travail français. Malgré un cadre juridique établi depuis plusieurs décennies, les écarts de rémunération persistent et représentent un défi pour les entreprises comme pour les pouvoirs publics. À l’heure où la transparence devient une exigence, les dispositifs de contrôle se multiplient et les obligations des employeurs se renforcent. Les entreprises doivent désormais non seulement respecter le principe d’égalité salariale mais aussi pouvoir le démontrer, le mesurer et corriger les écarts constatés. Cette question dépasse le simple cadre de la conformité légale pour s’inscrire dans une démarche globale de responsabilité sociale et d’équité, avec des implications concrètes sur la gestion de la paie et des ressources humaines.

Les fondements juridiques de l’égalité salariale en France

Le principe « à travail égal, salaire égal » dans le code du travail

Le principe fondamental d’égalité salariale est inscrit dans le Code du travail français à l’article L3221-2 qui stipule clairement que « tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ». Cette disposition constitue la pierre angulaire de la lutte contre les discriminations salariales liées au genre. Le concept de « travail de valeur égale » est particulièrement important car il élargit considérablement la portée du principe.

Selon l’article L3221-4 du Code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale « les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ». Cette définition permet de comparer des postes différents mais requérant des compétences et responsabilités similaires, ce qui est essentiel pour lutter contre les effets de la ségrégation professionnelle.

La notion de rémunération au sens de l’égalité professionnelle ne se limite pas au salaire de base. Elle englobe tous les avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de son emploi.

Le Code du travail impose également à l’employeur d’établir selon des normes identiques pour les femmes et les hommes les différents éléments de la rémunération, mais aussi les critères de classification professionnelle et les modes d’évaluation des emplois. Cette exigence vise à prévenir les discriminations indirectes qui pourraient se glisser dans les systèmes d’évaluation et de classification.

Les lois françaises majeures sur l’égalité salariale

L’arsenal législatif français en matière d’égalité salariale s’est construit progressivement depuis 1972. La loi du 22 décembre 1972 a été la première à inscrire dans le droit français le principe « à travail égal, salaire égal ». Elle a constitué une avancée majeure en imposant aux employeurs une obligation de résultat en matière d’égalité de rémunération.

La loi Roudy du 13 juillet 1983 a ensuite élargi la portée de ce principe en l’appliquant à l’ensemble du champ professionnel : recrutement, formation, promotion et conditions de travail. Elle a également introduit l’obligation pour les entreprises d’élaborer un rapport annuel sur la situation comparée des femmes et des hommes, créant ainsi un outil de mesure et de suivi des inégalités professionnelles.

La loi Génisson du 9 mai 2001 a renforcé ces dispositifs en instaurant une obligation de négociation collective sur l’égalité professionnelle au sein des entreprises et des branches. Elle a également précisé le contenu du rapport de situation comparée, qui devait désormais comporter des indicateurs chiffrés par catégories professionnelles.

Plus récemment, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a intégré l’égalité professionnelle dans toutes les négociations obligatoires et a renforcé les sanctions pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations. En 2018, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a marqué un tournant en instaurant une obligation de résultat mesurée par l’index de l’égalité professionnelle.

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Les directives européennes et leur impact sur la législation française

Le droit européen a joué un rôle moteur dans l’évolution de la législation française. Le principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes figure dans le Traité de Rome dès 1957 à l’article 119 (devenu article 157 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).

La directive 75/117/CEE du 10 février 1975 a ensuite précisé ce principe en imposant aux États membres d’éliminer toute discrimination fondée sur le sexe en matière de rémunération pour un même travail ou un travail de valeur égale. Cette directive a directement inspiré la loi française de 1983.

La directive 2006/54/CE relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail a consolidé plusieurs textes antérieurs et a renforcé les obligations des États membres. Elle a notamment introduit la notion de discrimination indirecte, qui vise des pratiques apparemment neutres mais qui désavantagent particulièrement les personnes d’un sexe par rapport à celles de l’autre sexe.

Plus récemment, la directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit marque une nouvelle étape. Cette directive, qui devra être transposée en droit français d’ici le 7 juin 2026, impose de nouvelles obligations de transparence salariale et de nouveaux mécanismes de contrôle. Elle prévoit notamment un droit à l’information pour les salariés sur les niveaux de rémunération et la transparence des rémunérations avant l’embauche.

Les sanctions prévues en cas de non-respect de l’égalité salariale

Le non-respect du principe d’égalité salariale expose l’employeur à diverses sanctions, à la fois civiles et pénales. Sur le plan civil, les dispositions discriminatoires sont nulles de plein droit. L’article L1142-3 du Code du travail précise que toute clause d’une convention collective, d’un accord collectif ou d’un contrat de travail qui contrevient au principe d’égalité de rémunération est réputée non écrite. La rémunération la plus élevée remplace automatiquement celle qui est annulée.

Un salarié victime de discrimination salariale peut saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir un rappel de salaire correspondant à l’écart constaté, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, ainsi que la revalorisation de sa rémunération pour l’avenir. La prescription en matière de salaire est de trois ans, mais celle relative à une discrimination est de cinq ans.

Sur le plan pénal, l’article R3222-1 du Code du travail prévoit que le fait de méconnaître les dispositions relatives à l’égalité de rémunération est puni de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe, soit 1 500 euros. Cette amende est appliquée autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés.

Par ailleurs, les entreprises d’au moins 50 salariés qui n’atteignent pas un résultat suffisant à l’index de l’égalité professionnelle (moins de 75 points sur 100) et qui ne mettent pas en œuvre les mesures correctives nécessaires s’exposent à une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de la masse salariale. De même, les grandes entreprises qui ne respectent pas les quotas de représentation équilibrée parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes peuvent se voir appliquer une pénalité financière.

L’état des lieux des inégalités salariales en 2024

Les chiffres clés de l’écart de rémunération entre hommes et femmes

Malgré les avancées législatives, les inégalités salariales entre hommes et femmes persistent en France. Selon les dernières données de l’INSEE, en 2022, dans le secteur privé, le revenu salarial moyen des femmes était inférieur de 23,5% à celui des hommes. Cet écart significatif s’explique par deux facteurs principaux : d’une part, la différence de volume de travail (les femmes travaillant davantage à temps partiel), et d’autre part, la différence de salaire à temps de travail égal.

À temps de travail identique, c’est-à-dire en équivalent temps plein (EQTP), l’écart de salaire se réduit mais reste important : 14,9% en moyenne en 2022. Cet écart varie considérablement selon l’âge, la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité. Il est particulièrement élevé chez les cadres (15,7%) et les ouvriers (13,5%), tandis qu’il est plus modéré chez les employés (3,9%).

L’analyse par tranche d’âge révèle que l’écart de salaire en EQTP croît avec l’âge : il est de 4,7% pour les salariés de moins de 25 ans, mais atteint 26,1% pour ceux âgés de 60 ans ou plus. Cette progression reflète l’impact cumulatif des inégalités tout au long de la carrière professionnelle.

Catégorie socioprofessionnelleÉcart de salaire en EQTP (%)Écart de volume de travail (%)
Cadres15,74,3
Professions intermédiaires11,910,9
Employés3,90,9
Ouvriers13,522,3

À poste comparable, c’est-à-dire en comparant les postes de même profession chez le même employeur, l’écart de salaire se réduit à 4,0% en 2022. Ce chiffre, bien que nettement inférieur à l’écart global, indique la persistance d’inégalités directes qui ne peuvent s’expliquer par les différences de métier ou de secteur d’activité.

Les facteurs explicatifs des inégalités persistantes

Les inégalités salariales entre hommes et femmes résultent d’une combinaison de facteurs structurels et comportementaux. La ségrégation professionnelle constitue l’une des principales explications : les femmes et les hommes n’exercent pas les mêmes métiers et ne travaillent pas dans les mêmes secteurs d’activité. Les emplois majoritairement occupés par des femmes sont souvent moins valorisés et moins rémunérés que ceux occupés majoritairement par des hommes, et ce même lorsqu’ils requièrent des niveaux de compétence similaires.

Cette ségrégation horizontale se double d’une ségrégation verticale : les femmes accèdent moins facilement aux postes à responsabilité et aux fonctions dirigeantes. Par exemple, selon l’INSEE, parmi les 1% de salariés les mieux rémunérés du secteur privé, seulement 22,8% sont des femmes. Cette sous-représentation aux échelons supérieurs contribue significativement à l’écart salarial global.

Le « plafond de verre » et ses conséquences sur les salaires

Le « plafond de verre » désigne les barrières invisibles qui entravent la progression des femmes vers les postes à haute responsabilité. Ce phénomène a un impact direct sur les salaires, les postes de direction étant associés à des rémunérations plus élevées. Plusieurs mécanismes contribuent à maintenir ce plafond de verre : les biais inconscients dans les processus de recrutement et de promotion, les stéréotypes de genre qui associent les qualités de leadership aux hommes, ou encore les réseaux professionnels qui restent majoritairement masculins.

Les chiffres illustrent clairement ce phénomène : la part des femmes diminue à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie des salaires. Si elles représentent près de 42% des effectifs dans le secteur privé en équivalent temps plein, leur proportion tombe à environ un tiers parmi les 10% de salariés les mieux rémunérés et à moins d’un quart parmi les 1% au sommet de l’échelle salariale.

Cette répartition inégale se traduit mathématiquement par un écart salarial moyen important. En excluant du calcul les 1% de salariés les mieux rémunérés du secteur privé, l’écart de salaire moyen en EQTP entre femmes et hommes se réduit de 14,0% à 10,1% en 2022, ce qui montre l’impact considérable du plafond de verre sur les inégalités globales.

L’impact du temps partiel et des interruptions de carrière

Le temps partiel, qui concerne plus d’une femme sur quatre contre moins d’un homme sur dix, constitue un autre facteur majeur d’inégalité salariale. Si ce choix peut parfois être volontaire, il est souvent contraint par les difficultés de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, qui pèsent encore majoritairement sur les femmes.

En moyenne, le volume de travail annuel des femmes est en moyenne inférieur de 15,3% à celui des hommes. Les interruptions de carrière, notamment liées aux congés maternité et parentaux, impactent également les trajectoires professionnelles et salariales des femmes. Ces pauses peuvent entraîner un retard dans l’évolution de carrière et les augmentations salariales.

Les secteurs les plus touchés par les inégalités salariales

Les écarts de rémunération varient considérablement selon les secteurs d’activité. Les secteurs des services financiers et de l’assurance présentent les écarts les plus importants, avec des différences de salaire pouvant atteindre 30% en équivalent temps plein. Dans ces domaines, la forte concentration des hommes aux postes de direction et dans les fonctions commerciales bien rémunérées explique en partie ces disparités.

Le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) affiche également des écarts significatifs, avec une différence moyenne de 17% en faveur des hommes. Cette situation s’explique notamment par la sous-représentation des femmes dans les métiers techniques les mieux rémunérés.

À l’inverse, certains secteurs comme l’administration publique ou l’enseignement présentent des écarts plus réduits, autour de 8%, en raison notamment de grilles salariales plus standardisées et d’une plus grande transparence dans les rémunérations.

L’évolution des écarts salariaux au cours des dix dernières années

Entre 2012 et 2022, l’écart salarial entre hommes et femmes s’est réduit d’environ 5 points de pourcentage. Cette évolution positive, bien que lente, résulte de plusieurs facteurs : le renforcement du cadre légal, une meilleure prise en compte de l’égalité professionnelle dans les politiques RH et une sensibilisation accrue des entreprises à cette problématique.

Cependant, le rythme de réduction des écarts salariaux tend à ralentir ces dernières années. Si la tendance actuelle se maintient, il faudrait encore plusieurs décennies pour atteindre une égalité salariale effective.

Les obligations de l’employeur en matière d’égalité salariale

L’index de l’égalité professionnelle : calcul et publication

Depuis 2019, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent calculer et publier annuellement leur Index de l’égalité professionnelle femmes-hommes. Cet outil permet de mesurer les écarts de rémunération au sein d’une même entreprise et d’identifier les points d’amélioration.

Les cinq indicateurs de l’index et leur pondération

L’index se compose de cinq indicateurs, pour un total de 100 points :

  • L’écart de rémunération femmes-hommes (40 points)
  • L’écart de répartition des augmentations individuelles (20 points)
  • L’écart de répartition des promotions (15 points)
  • Le pourcentage de salariées augmentées au retour de congé maternité (15 points)
  • La parité parmi les 10 plus hautes rémunérations (10 points)

Les seuils à respecter et les obligations de transparence

Les entreprises doivent obtenir un minimum de 75 points sur 100. En dessous de ce seuil, elles disposent de trois ans pour mettre en œuvre des mesures correctives. La note obtenue doit être publiée chaque année sur le site internet de l’entreprise et communiquée au Comité Social et Économique (CSE).

La négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle

Les entreprises d’au moins 50 salariés doivent engager chaque année une négociation sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. Cette négociation doit notamment porter sur les objectifs et les mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle, en particulier en matière de suppression des écarts de rémunération.