La démission est un acte lourd de conséquences pour un salarié. Si elle permet de quitter volontairement son emploi, elle peut aussi entraîner la perte des droits aux allocations chômage. Cependant, la législation prévoit certains cas où un démissionnaire peut tout de même bénéficier d’une indemnisation par Pôle Emploi. Quelles sont exactement les conditions à remplir ? Quelles démarches faut-il entreprendre ? Quel sera le montant des indemnités ? Cet article fait le point sur les règles en vigueur concernant la démission et le chômage.
Les conditions légales pour bénéficier des indemnités chômage après une démission
En principe, une démission n’ouvre pas droit aux allocations chômage car elle est considérée comme une rupture volontaire du contrat de travail. Toutefois, le Code du travail prévoit des exceptions pour certains motifs jugés légitimes.
Les cas de démission considérés comme légitimes par la loi
La loi reconnaît plusieurs situations dans lesquelles une démission peut être assimilée à une perte involontaire d’emploi et donc ouvrir droit au chômage. Parmi les motifs considérés comme légitimes, on trouve notamment :
- La démission pour suivre son conjoint qui change de lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi
- La démission d’un salarié victime de violences conjugales
- La démission pour créer ou reprendre une entreprise
- La démission d’un contrat aidé ou d’apprentissage pour un emploi mieux rémunéré
- La démission suite au non-paiement des salaires
Ces situations permettent au salarié démissionnaire d’être considéré comme involontairement privé d’emploi et donc éligible aux allocations chômage sous certaines conditions.
La durée d’affiliation minimale requise pour ouvrir des droits
Même en cas de démission légitime, le salarié doit justifier d’une durée d’affiliation minimale à l’assurance chômage pour pouvoir prétendre aux indemnités. Cette durée est actuellement fixée à 130 jours travaillés ou 910 heures travaillées au cours des 24 derniers mois (36 mois pour les salariés de 53 ans et plus).
Il est important de noter que cette durée d’affiliation s’apprécie à la date de fin du contrat de travail. Le salarié doit donc veiller à avoir cumulé suffisamment de temps de travail avant de démissionner s’il souhaite ouvrir des droits au chômage.
Le délai de carence avant le versement des allocations
Même si toutes les conditions sont remplies, le versement des allocations chômage n’est pas immédiat après la démission. Un délai de carence s’applique, durant lequel le demandeur d’emploi ne perçoit pas d’indemnisation. Ce délai comprend :
- Un différé d’indemnisation lié aux indemnités de rupture perçues
- Un délai d’attente de 7 jours
- Éventuellement, un différé spécifique en cas de versement d’indemnités supra-légales
Au total, le délai de carence peut atteindre jusqu’à 150 jours (5 mois) avant le début de l’indemnisation. Il est donc crucial d’anticiper cette période sans revenus dans son projet de démission.
La procédure à suivre pour démissionner et obtenir le chômage
Lorsqu’un salarié souhaite démissionner tout en conservant ses droits au chômage, il doit respecter une procédure précise.
La formalisation de la démission auprès de l’employeur
La première étape consiste à formaliser sa démission auprès de son employeur. Bien que la démission ne soit soumise à aucun formalisme particulier, il est vivement recommandé de la notifier par écrit, idéalement par lettre recommandée avec accusé de réception. Le courrier doit exprimer clairement et sans ambiguïté la volonté du salarié de mettre fin au contrat de travail.
Il est important de préciser dans cette lettre le motif de la démission, surtout s’il s’agit d’un des cas considérés comme légitimes par la loi. Cela facilitera les démarches ultérieures auprès de Pôle Emploi.
L’inscription comme demandeur d’emploi à pôle emploi
Une fois la démission effective, le salarié doit s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès de Pôle Emploi. Cette inscription peut se faire en ligne sur le site de Pôle Emploi ou lors d’un rendez-vous en agence. Elle est indispensable pour pouvoir bénéficier des allocations chômage.
Lors de l’inscription, il faudra mentionner le motif de la fin du contrat de travail, en l’occurrence la démission, et fournir tous les justificatifs nécessaires pour prouver le caractère légitime de celle-ci.
La constitution du dossier de demande d’allocations
Après l’inscription, vient l’étape cruciale de la constitution du dossier de demande d’allocations. C’est à ce moment que le demandeur d’emploi devra apporter la preuve qu’il remplit toutes les conditions pour bénéficier des indemnités malgré sa démission.
Les documents à fournir
Pour constituer son dossier, le demandeur d’emploi devra fournir plusieurs documents, notamment :
- L’attestation employeur remise lors de la fin du contrat
- Les bulletins de salaire des 12 derniers mois
- Une pièce d’identité
- Un RIB
- Tout document justifiant le caractère légitime de la démission (selon le motif invoqué)
Il est crucial de rassembler l’ensemble de ces pièces pour que le dossier soit complet et puisse être traité rapidement.
Les délais à respecter
La demande d’allocations doit être effectuée dans les 12 mois suivant la fin du contrat de travail. Au-delà, les droits peuvent être perdus. Il est donc recommandé d’entamer les démarches le plus tôt possible après la démission.
Une fois le dossier complet déposé, Pôle Emploi dispose d’un délai de 10 jours pour notifier sa décision d’admission ou de rejet. En cas d’admission, le versement des allocations débutera après le délai de carence mentionné précédemment.
Le montant et la durée des indemnités chômage après une démission
Lorsqu’un salarié démissionnaire remplit les conditions pour bénéficier des allocations chômage, le calcul de ses droits s’effectue selon les mêmes règles que pour les autres demandeurs d’emploi.
Le mode de calcul de l’allocation journalière
Le montant de l’allocation journalière est calculé à partir du salaire journalier de référence (SJR). Celui-ci est obtenu en divisant les salaires perçus au cours des 12 mois précédant la fin du contrat par le nombre de jours travaillés sur cette période.
L’allocation journalière correspond ensuite à 57% du SJR, avec un montant minimum de 29,56€ par jour (au 1er juillet 2023) et un maximum de 75% du SJR. Pour les salariés à temps partiel, ces montants sont proratisés en fonction de leur durée de travail.
La période maximale d’indemnisation selon l’âge et la carrière
La durée d’indemnisation dépend de la durée d’affiliation et de l’âge du demandeur d’emploi. Elle est plafonnée à :
- 24 mois pour les moins de 53 ans
- 30 mois pour les 53-54 ans
- 36 mois pour les 55 ans et plus
Il est important de noter que ces durées maximales peuvent être réduites en fonction de la situation du marché du travail, selon le principe de dégressivité des allocations.
Les règles de dégressivité pour les hauts revenus
Depuis 2019, un mécanisme de dégressivité s’applique aux allocataires dont le salaire antérieur était élevé. Concrètement, le montant de l’allocation est réduit de 30% à partir du 7ème mois d’indemnisation pour les allocataires de moins de 57 ans dont le salaire mensuel brut dépassait 4 500€.
Cette règle vise à inciter les cadres et hauts revenus à retrouver plus rapidement un emploi. Elle s’applique également aux salariés démissionnaires qui remplissent les conditions pour bénéficier des allocations chômage.
Les spécificités pour les salariés démissionnaires avec un projet professionnel
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a introduit de nouvelles dispositions pour les salariés démissionnaires ayant un projet professionnel.
Le dispositif de démission-reconversion
Ce dispositif permet à un salarié en CDI de démissionner pour réaliser un projet de reconversion professionnelle tout en bénéficiant des allocations chômage. Pour en bénéficier, le salarié doit remplir plusieurs conditions :
- Justifier d’au moins 5 ans d’activité salariée continue
- Avoir un projet de reconversion nécessitant une formation ou un projet de création/reprise d’entreprise
- Faire valider le caractère réel et sérieux de son projet par une commission paritaire interprofessionnelle régionale
Ce dispositif offre une opportunité unique aux salariés souhaitant donner un nouveau tournant à leur carrière, sans être pénalisés financièrement.
Les critères d’éligibilité au chômage pour les créateurs d’entreprise
Les salariés qui démissionnent pour créer ou reprendre une entreprise peuvent également bénéficier des allocations chômage sous certaines conditions. Ils doivent notamment :
- Justifier de la création ou reprise effective de l’entreprise
- S’inscrire comme demandeur d’emploi dans les 12 mois suivant la démission
- Demander le bénéfice de l’Aide au Retour à l’Emploi (ARE) en cas de cessation d’activité
Il est important de noter que le versement des allocations ne débutera qu’en cas d’échec du projet entrepreneurial et après inscription comme demandeur d’emploi.
L’accompagnement proposé par pôle emploi
Pour les salariés démissionnaires avec un projet professionnel, Pôle Emploi propose un accompagnement spécifique. Cela inclut :
- Un suivi personnalisé par un conseiller dédié
- Des ateliers de formation adaptés au projet (création d’entreprise, reconversion…)
- Un accès prioritaire à certaines formations
- Une aide à la recherche de financements pour le projet
Cet accompagnement vise à maximiser les chances de réussite du projet professionnel et à faciliter le retour à l’emploi si nécessaire.
Les recours possibles en cas de refus d’indemnisation
Malgré le respect des conditions et procédures, il peut arriver que Pôle Emploi refuse d’accorder les allocations chômage à un salarié démissionnaire. Dans ce cas, plusieurs voies de recours sont possibles.
La demande de réexamen après 4 mois de chômage
Si le droit aux allocations a été initialement refusé, le demandeur d’emploi peut solliciter un réexamen de sa situation après 4 mois de chômage. Pour cela, il doit apporter la preuve de ses recherches actives d’emploi ou de ses démarches pour créer une entreprise.
Cette demande de réexamen est particulièrement importante car elle permet souvent de débloquer des situations initialement refusées.
Le recours gracieux auprès de pôle emploi
En cas de désaccord avec la décision de Pôle Emploi, le premier niveau de recours est le recours gracieux. Il s’agit d’une demande de révision de la décision adressée directement à l’organisme qui l’a prise.
Ce recours doit être formulé par écrit, en exposant clairement les arguments et en joignant tout document susceptible d’appuyer la demande. Pôle Emploi a l’obligation d’y répondre dans un délai de deux mois.
La saisine du médiateur de pôle emploi
Si le recours gracieux n’aboutit pas, il est possible de saisir le médiateur de Pôle Emploi. Ce dernier est chargé de trouver une solution amiable aux litiges entre l’organisme et les usagers.
La saisine du médiateur se fait par courrier ou en ligne. Elle doit intervenir dans les 12 mois suivant la dernière décision de Pôle Emploi. Le médiateur rend ensuite un avis dans un délai de 3 mois.
Le recours contentieux devant le tribunal administratif
En dernier recours, si toutes les démarches précédentes ont échoué, il est possible de saisir le tribunal administratif. Cette procédure est plus formelle et contraignante, mais elle permet de contester la décision de Pôle Emploi devant une juridiction indépendante.
Pour engager un recours contentieux, il faut :
- Saisir le tribunal administratif dans un délai de 2 mois suivant la notification de la décision contestée
- Rédiger une requête exposant les faits et les arguments juridiques
- Joindre toutes les pièces justificatives nécessaires
- S’acquitter des frais de procédure (sauf en cas d’aide juridictionnelle)
Il est fortement recommandé de se faire assister par un avocat spécialisé en droit social pour ce type de procédure. Le tribunal rendra ensuite sa décision, qui pourra soit confirmer le refus de Pôle Emploi, soit accorder les droits au demandeur d’emploi.
En conclusion, bien que la démission puisse sembler incompatible avec le droit aux allocations chômage, la loi prévoit plusieurs situations où un salarié démissionnaire peut tout de même bénéficier d’une indemnisation. Il est crucial de bien connaître ces dispositions et de respecter scrupuleusement les procédures pour maximiser ses chances d’obtenir ses droits. En cas de refus, les différentes voies de recours offrent des possibilités supplémentaires de faire valoir sa situation. Dans tous les cas, une réflexion approfondie et une préparation minutieuse sont essentielles avant d’envisager une démission, afin d’en anticiper toutes les conséquences financières et professionnelles.